Ta banque t’a mis sur pilote automatique… mais ta retraite ne devrait pas l’être : le problème avec les plans de retrait systématique
Quand on parle de décaissement à la retraite, bien des gens suivent simplement le plan proposé par leur banque : un portefeuille 60/40, des retraits automatiques, et c’est réglé. Simple, pratique… mais souvent mal adapté à la réalité. Trop rigide. Trop exposé au marché. Trop risqué sans le savoir. Dans cet article, on va déconstruire cette stratégie par défaut — et explorer une approche plus intelligente, plus flexible, et surtout, plus rassurante pour ta retraite.
Le plan de retraits systématiques (PRS), c’est probablement la stratégie de revenu de retraite la plus répandue. Mais, juste parce que quelque chose est populaire, ça ne veut pas dire que c’est bon.
Honnêtement? Après avoir révisé beaucoup beaucoup de plans de retraite, je peux te dire une chose avec certitude: je déteste les plans de retrait systématique.
Et si tu veux protéger ton revenu et profiter pleinement de ta retraite — sans vivre dans l’inquiétude constante des hauts et des bas du marché — tu devrais, toi aussi, t’en méfier.
Si j’ai décidé d’écrire cet article, c’est parce que je vois ce scénario revenir encore et encore.
Presque toutes les personnes qui me consultent pour une deuxième opinion ont, sans trop le savoir, ce genre de stratégie en place.
📍 Surtout celles qui font affaire avec une grande banque.
Et très souvent, leur plan repose sur 3 éléments "par défaut" :
Un portefeuille 60/40 ou 50/50 sans personnalisation
Un plan de retrait automatique basé sur un montant fixe
Des investissements avec des frais beaucoup trop élevés
👉 Autrement dit, on remplace l’absence de plan de décaissement réfléchi par une solution toute faite, souvent mal alignée avec les principes d’une vraie planification de la retraite
Et comme tu vas le voir dans la suite, ce genre d’approche peut sembler simple, mais elle peut coûter très cher à long terme — surtout si personne ne t’a expliqué ce qu’il y avait derrière.
Tu as épargné intelligemment… mais dépenser intelligemment à la retraite, c’est une autre game
Si tu as réussi à bâtir un bon portefeuille pour la retraite, c’est probablement grâce à une habitude simple mais puissante: cotiser régulièrement à ton REER, ton CELI ou ton régime collectif, mois après mois, sans te poser trop de questions.
C’est ce qu’on appelle l’investissement périodique — ou dollar-cost averaging. Une stratégie qui t’a permis de lisser les hauts et les bas du marché tout en accumulant ton capital.
Mais maintenant que tu arrives à la retraite…
Est-ce qu’on peut juste inverser le processus? Faire des retraits fixes, chaque mois, peu importe ce que font les marchés?
🛑 Pas si vite.
Ce qui t’a aidé à accumuler ton argent n’est pas nécessairement ce qui va t’aider à le décaisser sans stress.
Et c’est là que bien des retraités tombent dans le piège.
Comment fonctionnent les plans de retraits systématiques?
À première vue, c’est simple.
Tu investis ton portefeuille dans un mélange d’actifs diversifiés — souvent le bon vieux combo 60 % actions / 40 % obligations et liquidités.
Et bien souvent, tout est regroupé dans un seul fonds équilibré, « défensif », ou peu importe le nom marketing qu’on lui donne — et fort sont les chances que les frais sont loin d’être raisonnables.
🎯 L’objectif? Générer un rendement annuel moyen qui correspond à ton niveau de tolérance au risque.
Ensuite, tu remplis un formulaire :
💬 « Je veux retirer 3 000 $ par mois, le 1er de chaque mois, merci. »
Et à partir de là, le pilote automatique s’enclenche.
Ton institution vend automatiquement une portion de ton portefeuille — un peu d’actions, un peu d’obligations — pour te verser ce montant, mois après mois.
🔥 Peu importe si les marchés montent en flèche…
📉 Ou s’ils s’effondrent…
👉 Les ventes se font quand même. Toujours. Automatiquement par le système.
Et la logique derrière tout ça?
On présume que ton portefeuille va générer, en moyenne, assez de rendement sur le long terme pour soutenir ce rythme de décaissement.
Mais comme tu vas le découvrir dans la prochaine section…
Cette hypothèse repose sur du sable. Et elle peut mettre ta retraite à risque bien plus vite que tu ne le penses.
Les deux grandes failles des plans de retraits systématiques
Même si les PRS restent l’une des stratégies les plus répandues pour générer un revenu de retraite… ils sont loin d’être sans failles.
Voici deux failles majeures qu’on voit souvent — et qui peuvent sérieusement compromettre ton plan de retraite👇
1. Le risque de séquence de rendement (le piège invisible)
Avant la retraite, tu regardais sûrement le rendement moyen de ton portefeuille.
Tu te disais :
👉 « Si j’obtiens 6 % ou 7 % par année, je devrais être correct. »
Mais à la retraite, ce n’est plus la moyenne qui compte, c’est l’ordre dans lequel les rendements arrivent.
Imagine :
Tu prends ta retraite. Tu commences à décaisser.
Et la première année, boum — le marché chute de -20 %.
Même si les années suivantes sont bonnes, le mal est fait.
👉 Tu as retiré de l’argent en plein creux… et tu pars ta retraite dans un trou difficile à combler.
C’est ce qu’on appelle le risque de séquence de rendement.
Et c’est l’un des plus grands dangers pour un retraité — surtout dans les premières années, quand tu veux justement profiter de ton argent.
Illustration du risque de séquence de rendement
Pour un portefeuille de 1M$ avec un retrait annuel de 40 000$ et un rendement moyen de 4,8% dans les 3 scénarios. La seule chose qui change est la séquence dans laquelle les rendements sont réalisés.
Source: Example créé à partir du logiciel d’illustration du risque de séquence de rendement de Fonds Dynamique
Le graphique est présenté à titre indicatif seulement. L’exemple montre une séquence hypothétique de rendements pour divers scénarios reposant sur les taux indiqués dans le tableau ci-dessus. Tous les scénarios supposent un taux de rendement annualisé de 4,8 % sur 10 ans. Les données supposent que tous les revenus sont réinvestis et qu’il n’y a aucuns coûts de transactions, frais ou impôts. Cet exemple ne présente pas les résultats réels, ni les rendements, les mouvements de trésorerie ou la valeur future d’un placement réel.
Même épargne de départ. Même rendement moyen. Résultat final… complètement différent.
C’est ça, le piège du risque de séquence de rendement.
Tu peux avoir deux retraités, chacun avec 1 000 000 $ au départ, et un rendement annuel moyen identique de 4,8% sur 10 ans… mais si l’un commence sa retraite avec deux mauvaises années de marché, pendant que l’autre enchaîne les bonnes, les résultats finaux n’auront rien à voir.
👉 Pourquoi? Parce que ce n’est pas la moyenne qui compte. C’est l’ordre dans lequel les rendements arrivent.
Et le plus inquiétant dans tout ça?
C’est qu’on ne peut pas le prévoir. Personne ne peut deviner si les marchés vont bien ou mal performer au début de ta retraite.
Et si tu suis un plan de retraits systématiques, tu es 100 % exposé à ce risque.
Tu continues à vendre chaque mois — même si les marchés sont en chute libre — sans filet de sécurité.
Ce genre de scénario n’est pas théorique. Il peut littéralement saboter ta retraite dans les premières années… juste parce que la séquence de rendement t’a été défavorable.
2. Un mauvais objectif dès le départ
Le PRS repose sur une fausse logique : que chaque dollar de ton portefeuille devrait être investi de la même façon, peu importe quand tu vas en avoir besoin.
📌 Exemple :
Tu es investi à 60 % en actions et 40 % en obligations.
Mais ce même portefeuille sert à financer ton voyage cette année…
et tes nécessités de base dans 25 ans.
Est-ce que ça fait du sens de prendre le même risque pour tes dépenses de demain que pour tes dépenses à très long terme?
🛑 Évidemment que non.
👉 Résultat :
Tes obligations ne protègent pas vraiment contre la volatilité à court terme
Elles tirent ton rendement global vers le bas
Et elles donnent l’illusion d’un plan prudent, alors que le risque reste mal géré
Et n’oublie pas une chose importante : Obligations ≠ prudence
Les titres à revenu fixe ont eux aussi leurs propres risques (taux d’intérêt, inflation, crédit, liquidité, etc.), et ils ne sont pas tous égaux en termes de stabilité.
Un bon plan de décaissement devrait plutôt :
✅ S’adapter à tes vrais besoins
✅ Tenir compte de ton horizon de décaissement
✅ Et respecter ta capacité à absorber le risque au fil du temps
Alors, c’est quoi la solution?
On a vu que les plans de retraits systématiques (PRS) sont simples…
Mais cette simplicité cache deux failles majeures :
❌ Ils ignorent le risque de séquence de rendement
❌ Ils ne tiennent pas compte du moment où tu auras besoin de chaque dollar
Heureusement, il existe une alternative beaucoup plus intelligente — et surtout, plus sécurisante.
👉 Je parle ici de ce que j’appelle : le coffre de guerre.
Le coffre de guerre : ta meilleure défense contre l’incertitude
Un coffre de guerre, c’est une réserve de liquidités mise de côté, à l’abri des fluctuations boursières.
On y place l’équivalent de 3 à 5 années de besoins en distribution de ton portefeuille, dans des véhicules très sécuritaires :
ex. comptes à intérêt élevé, CPG, obligations à court terme.
🎯 L’objectif?
Te permettre de continuer à vivre ta retraite normalement, même quand les marchés traversent des périodes turbulentes.
Sans avoir à vendre tes placements à perte.
Sans paniquer.
Et surtout, sans mettre ton plan en danger.
Comment ça fonctionne?
C’est simple et puissant :
Tu bâtis une réserve pour couvrir 3 à 5 ans de retraits projetés de ton portefeuille d’investissement
Le reste de ton portefeuille est investi pour la croissance à long terme, selon ton profil d’investisseur (actions, FNB, etc.)
Tes retraits sont faits à partir de l’argent disponible dans ton coffre de guerre.
Quand les marchés vont bien: tu en profites pour renflouer ton coffre de guerre avec des ventes stratégiques.
Quand les marchés vont mal: tu continues à utiliser ton coffre… mais tu attends la reprise pour le recharger.
👉 Résultat : tu évites de vendre à perte et tu gères le risque de séquence de rendement.
Tu laisses à ton portefeuille de croissance le temps de rebondir, sans compromettre ton revenu à court terme.
Est-ce que ça a un inconvénient?
Oui : le "cash drag".
Avoir 3 à 5 ans de dépenses en liquidités, ça veut dire qu’une partie de ton portefeuille ne génère pas beaucoup de rendement. C’est un coût d’opportunité…
Mais en réalité, cet inconvénient est souvent largement compensé par un avantage invisible, mais inestimable :
👉 la paix d’esprit.
Tu dors bien la nuit, peu importe ce que les marchés font, parce que tu sais que tes 3 à 5 prochaines années de dépenses sont protégées.
Et ça, franchement, ça n’a pas de prix.
Et une autre façon de voir les choses?
Ton coffre de guerre, ce n’est pas de l’argent « à côté ».
👉 C’est simplement la portion revenu fixe de ton portefeuille.
Même profil d’investisseur. Meilleure exécution.
Supposons que ton profil d’investisseur cible une répartition 70 % actions / 30 % revenu fixe.
Option 1 — la méthode classique : tu investis tout dans un fonds équilibré 70/30, et tu fais des retraits chaque mois, peu importe la conjoncture.
Option 2 — la méthode coffre de guerre : Tu sécurises les 5 premières années de décaissement, et tu investis le reste pour la croissance.
Exemple concret :
40 000 $ dans un compte épargne à intérêt élevé (2 ans de revenus sécurisés)
60 000 $ dans des obligations à court terme (3 ans de revenus supplémentaires)
👉 Total : 100 000 $, soit environ 25 % de ton portefeuille — ça couvre ta portion « revenu fixe ».
Le reste peut alors être investi de façon dynamique :
70 % en actions mondiales diversifiées
5 % en obligations intermédiaires
➡️ Même profil global.
Mais une stratégie beaucoup plus intelligente — parce qu’elle fait la différence entre l’argent dont tu as besoin bientôt… et l’argent dont tu n’as pas besoin tout de suite.
Une distinction essentielle dans ton plan de retraite
L’argent nécessaire à court terme (dans les 5 prochaines années) est sécurisé et toujours accessible.
L’argent destiné au long terme (5 ans +) est investi dynamiquement, parce que tu as le temps d’attendre.
👉 Si les marchés chutent l’an prochain? Aucun stress.
Ton coffre de guerre te donne le temps de laisser le marché rebondir.
Dans le jargon, on appelle ça du asset-liability matching: Aligner chaque dollar investi avec le moment où tu en auras besoin.
Et c’est justement ce que les PRS ne font pas :
Ils investissent tout ton portefeuille de la même manière, sans tenir compte de quand tu vas utiliser ton argent.
Alors, pourquoi ton conseiller bancaire n’applique pas ce genre de stratégie?
La réponse est (tristement) simple : Il/elle n’a pas le temps.
Les conseillers en succursale gèrent souvent plusieurs centaines de clients en même temps. Dans ces conditions, comment veux-tu qu’ils prennent le temps de planifier ton décaissement de manière personnalisée, proactive, et réfléchie?
👉 Résultat : ils n’ont pas le choix de te proposer des solutions automatiques ou par défaut.
Des plans de retraite génériques, des fonds équilibrés maison, et des retraits systématiques. C’est plus rapide, plus simple à gérer… mais souvent mal adapté à TA réalité.
Et si tu veux un vrai plan de retraite, adapté à ta réalité, tu dois absolument t’assurer de deux choses :
Que ton planificateur financier a du temps à te consacrer — idéalement, il ne devrait pas servir plus de 125 clients.
Qu’il est spécialisé en planification du décaissement.
Parce que le décaissement, c’est une science et un art complètement différents de l’accumulation. Et la majorité des professionnels dans l’industrie se concentrent uniquement sur la croissance du capital — pas sur l’optimisation des retraits à la retraite.
💬 « Drawing down income in retirement ‘the nastiest, hardest problem in finance »
— William F. Sharpe, lauréat du prix Nobel d’économie
Conclusion — Ce que tu mérites, c’est un vrai plan
Tu as travaillé fort pour bâtir ton épargne.
Tu mérites mieux qu’un plan de retraite par défaut.
Un portefeuille 60/40 générique, des frais trop élevés (et rien en retour…), un plan de décaissement automatique qui ignore l’ordre des rendements... ce n’est pas un vrai plan de retraite. C’est une recette toute faite, sans saveur et sans nuance.
👉 Ta retraite mérite une stratégie sur mesure.
Une stratégie qui respecte ton rythme, ta réalité, tes objectifs et tes peurs.
Une stratégie qui distingue les besoins à court terme de ceux à long terme.
Une stratégie qui te permet de vivre pleinement, sans t'inquiéter des fluctuations du marché.
Et parfois, il ne manque qu’un regard neuf — et les bonnes questions — pour transformer un plan « correct » en un plan solide, humain, et vraiment aligné avec ta vie.
💬 Si jamais tu veux une deuxième opinion sur ton plan actuel — ou simplement valider si tu es sur la bonne voie — je suis là.
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FAQ - Planification du décaissement
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Un plan de décaissement est une stratégie structurée pour retirer de l’argent de ton portefeuille de retraite de façon durable, fiscalement optimisée, et adaptée à tes besoins. Il prend en compte le moment, le montant et la source de chaque retrait. Un bon plan de décaissement permet de réduire les impôts, protéger ton capital et maximiser ton revenu disponible à la retraite. Il devrait aussi tenir compte des différentes phases de la retraite. Le temps pour profiter de ton argent, c’est au début de la retraite, pas rendu à 85 ans!
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Souvent, non. Les grandes institutions financières offrent des solutions simples et automatisées — comme un portefeuille 60/40 avec des retraits mensuels fixes. Ce n’est pas un plan de retraite personnalisé, mais plutôt une solution par défaut. Pour une vraie planification de la retraite, il faut aller plus loin : tenir compte de tes besoins, de ton horizon, de la fiscalité, de ton style de vie et de ce qui est vraiment important pour toi.
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Un bon planificateur financier spécialisé en décaissement est l’architecte de ton plan de revenu de retraite. Il ou elle peut :
Optimiser la séquence de retrait (REER, FERR, CELI, revenus de pension)
Minimiser les impacts fiscaux
Aligner ta stratégie d’investissement avec ton plan de revenu de retraite
Réduire le risque de séquence de rendement
Intégrer les prestations gouvernementales au bon moment
Intégrer tes objectifs successoraux
T’aider à gérer les différents risques (longévité, santé, inflation, etc.)
Bien plus encore…
Bref, tu profites de ton argent avec confiance, sans craindre de le manquer.
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Idéalement avant la retraite. Plus tu t’y prends tôt, plus tu as de leviers pour améliorer ta situation : report de la RRQ ou de la PSV, conversion stratégique du REER, structuration fiscale, etc. Même si tu es déjà à la retraite, il n’est jamais trop tard pour ajuster ton plan de décaissement.
Idéalement, tu devrais commencer à regarder ça sérieusement 5 ans avant ta retraite.
Selon moi, 5 ans avant la retraite, tu devrais commencer à construire tranquillement une réserve de liquidité. Par exemple, tu pourrais cesser de réinvestir les distributions de ton portefeuille et allouer une partie de ton épargne à des investissements sécuritaires et liquides.
Les informations présentées dans cet article sont fournies à titre informatif seulement et ne constituent pas des conseils financiers, fiscaux ou juridiques personnalisés. Chaque situation est unique. Avant de prendre une décision, il est recommandé de consulter un planificateur financier ou un professionnel qualifié.